
Un plat de légumes présenté lors de la Semaine verte de l’agriculture à Berlin le 18 janvier 2013. (©AFP/Archives/JOHANNES EISELE)
Comment nourrir sainement 10 milliards d’humains d’ici 2050 tout en préservant la planète ? En divisant par deux la consommation mondiale de viande rouge et de sucre et en doublant celle des fruits, des légumes et des noix, plaident jeudi 17 janvier 2019 des scientifiques, qui souhaitent une « transformation radicale » de nos habitudes alimentaires.
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Eviter « 11 millions de décès prématurés par an »
Pour protéger sa santé et l’environnement, il faudrait selon eux consommer chaque jour en moyenne 300 grammes de légumes, 200 grammes de fruits, 200 grammes de graines entières (riz, blé, maïs, etc.), 250 grammes de lait entier (ou équivalent), mais seulement… 14 grammes de viande rouge, soit dix fois moins qu’un steak de taille classique.
A défaut de viande rouge, les protéines pourraient provenir de la consommation de volaille (29 g), de poisson (28 g), d’œufs (13 g) voire de noix en tout genre (50 g), préconisent ces experts dans un rapport coréalisé par la revue médicale The Lancet et l’ONG Fondation EAT.
Feeding a population of 10 billion people by 2050 with a healthy & sustainable diet will be impossible without transforming eating habits, improving food production & reducing food waste—new @EATForum–@TheLancet Commission #EATLancet #foodcanfixit https://t.co/TsRQiyhA09 pic.twitter.com/v2KtYu9pdS
— The Lancet (@TheLancet) January 16, 2019
Selon eux, un tel régime permettrait d’éviter environ « 11 millions de décès prématurés par an » dans le monde, soit un cinquième du nombre total de morts, alors que la population mondiale atteindra 10 milliards d’individus d’ici 2050.
Il serait également bon pour la planète, puisque « la production alimentaire mondiale menace la stabilité de notre système climatique et (nos) écosystèmes ».
Les régimes alimentaires actuels poussent la Terre au-delà de ses limites et sont source de maladies : ils sont une menace à la fois pour les gens et pour la planète.

Un régime sain pour vous et pour la planète. (©AFP/Jonathan WALTER)
Doubler la consommation d’aliments sains
Ce rapport, qui a mobilisé pendant trois ans 37 experts de 16 pays, établit un « régime de santé planétaire ». Son but : garantir un « équilibre entre les besoins en matière de santé humaine et les impacts environnementaux ».
Cela ne signifie pas que la population mondiale devrait manger exactement le même ensemble d’aliments.
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Plutôt que définir un régime unique, ils ont fixé des « fourchettes d’ingestions recommandées par groupes d’aliments ». Ce « régime complet », qui représente un apport quotidien de 2500 calories, pourra être adapté localement selon « la culture, la géographie et la démographie ».
Au niveau mondial, ce régime passe par « un doublement de la consommation d’aliments sains tels que les fruits, les légumes, les légumineuses et les noix ».
A l’inverse, il faut « réduire de plus de 50% la consommation d’aliments moins sains, tels que les sucres ajoutés (par exemple dans les sodas, ndlr) et la viande rouge », et éviter les aliments hautement transformés.
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Réduire de moitié le gaspillage alimentaire
Ces objectifs globaux cachent évidemment d’énormes disparités selon le niveau de développement et la culture des pays.
A titre d’exemple, la consommation quotidienne moyenne de viande rouge aux Etats-Unis est actuellement évaluée à 280 grammes environ, ce qui impliquerait de la diviser par vingt.
« Plus de 820 millions de personnes n’ont toujours pas accès à suffisamment de nourriture », selon le rapport.
2,4 milliards de personnes surconsomment, et au total, environ la moitié de la population mondiale a un régime alimentaire marqué par des carences en nutriments
Au-delà de la façon dont chacun s’alimente, les experts prônent un changement radical dans les modes de production (arrêter de se concentrer sur un faible nombre de cultures, limiter l’expansion des terres agricoles qui grignotent les forêts, éviter la surpêche…).
Autre impératif selon eux : réduire de moitié le gaspillage alimentaire et les pertes lors du processus de production.
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« La façon dont nous mangeons est l’une des causes principales du changement climatique, de la perte de biodiversité et des maladies non-transmissibles » (obésité, maladies cardio-vasculaire, diabète, ndlr), a expliqué à l’AFP l’un des auteurs de l’étude, le professeur Tim Lang, de l’Université de Londres.
De la même manière que notre système alimentaire a radicalement changé au XXe siècle, nous estimons qu’il doit changer radicalement au XXIe.
Ce rapport veut « dénigrer l’élevage »
Le rapport a été fraîchement accueilli par l’industrie agroalimentaire. « Il fait des propositions extrêmes pour attirer un maximum d’attention », a réagi Alexander Anton, responsable de l’Association laitière européenne.
Ce rapport veut « dénigrer l’élevage et le porter en premier responsable du changement climatique » pour « masquer la responsabilité » des « multinationales industrielles », a de son côté dénoncé la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français.
Cette campagne résonne avec le récent « lundi vert » proposé en France par des « célébrités » dont l’empreinte écologique de leur mode de vie mérite de s’interroger.
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« Vive nos agriculteurs ! »
Dans une tribune publiée dans Le Monde, 500 personnalités, parmi lesquelles Isabelle Autissier, Juliette Binoche ou encore Matthieu Ricard, s’engageaient en effet à ne plus manger de viande et de poisson chaque lundi. Un « lundi vert » pour « la planète, la santé et pour les animaux ».
En réaction à cet appel, le député du Jura Jean-Marie Sermier a pris le contre-pied pour défendre la ruralité : « Je me suis engagé à manger chaque lundi midi une bonne viande. Avec mon équipe, nous nous sommes régalés. Vive nos agriculteurs ! », a tweeté en début de semaine le vice-président de la commission… Développement durable à l’Assemblée nationale.
En réaction à l’appel de 500 pseudo-stars et bobos qui voudraient empêcher les Français de manger de la viande (mais de quoi se mêlent-ils ?!), je me suis engagé à manger chaque lundi midi une bonne viande. Avec mon équipe, nous nous sommes régalés 😉 Vive nos agriculteurs ! pic.twitter.com/Zd4GwVwEbq
— Jean-Marie SERMIER (@jmsermier) January 14, 2019
Avec AFP