
Les jeunes joueurs du SM Caen (Calvados) peuvent être la cible d’agents parfois malintentionnés. (©Sport à Caen )
Mardi 11 décembre 2018, un homme de 30 ans a été condamné à quatre mois de prison ferme pour escroquerie, par le tribunal correctionnel de Caen (Calvados). Alors qu’il tient un commerce d’articles de sport, le trentenaire se prétendait agent de joueurs de foot. Il avait promis monts et merveilles à un joueur d’un club amateur de Normandie, contre plus de 5.000 euros.
LIRE AUSSI : Un faux agent de joueurs de foot condamné pour escroquerie, à Caen
De plus en plus de chercheurs de pépites
Cette situation, Stéphane Nado la connaît bien. Directeur du centre de formation du Stade Malherbe Caen depuis le mois de juin 2018, il y est confronté quasi-quotidiennement. L’ancien marseillais reconnaît :
C’est un problème très compliqué, très difficile à gérer. Nous avons le devoir de préserver nos garçons des personnes malintentionnées. Nous sommes hyper-vigilants.
Contactés via les réseaux sociaux
À chaque match des équipes de jeunes du club caennais, de nombreux observateurs se pressent dans les tribunes ou autour de la main-courante. Ils repèrent les plus talentueux et n’hésitent pas à les contacter directement, à peine le coup de sifflet final donné. Les résultats obtenus cette saison (les U17 et U19 du SMC font la course en tête dans leur championnat respectif) ne sont pas de nature à faire oublier le chemin de Venoix aux chercheurs de pépites. Stéphane Nado note :
Il y a de plus en plus de gens autour des terrains, y compris lors des entraînements. Et dans les catégories de plus en plus jeunes. Parfois, dès les 9-10 ans !
Difficulté supplémentaire, pour les éducateurs caennais : la manière dont les agents – véridiques ou prétendus – abordent leurs « cibles ». Le directeur du centre de formation caennais souffle :
Les premiers contacts se font de plus en plus souvent via les réseaux sociaux. C’est un phénomène qui nous échappe.
Pour prévenir ses jeunes joueurs, le SM Caen instaure un dialogue avec eux et leur famille. « Notre premier discours, c’est de dire qu’ils n’ont pas besoin d’un agent ou d’un conseiller à leur âge, insiste Stéphane Nado. S’ils sont bons sur le terrain, le club saura faire évoluer leur projet. Il n’y a pas beaucoup d’intérêt à avoir un agent si jeune. » Le club peut s’appuyer sur l’exemple de Nicolas Seube, entraîneur adjoint auprès des U17, qui a effectué toute sa carrière professionnelle sans jamais avoir recours à un agent. « Et si on sait qu’une personne est malintentionnée, on n’hésite pas à le dire au joueur et à ses parents. »
LIRE AUSSI : Football, SM Caen. Nicolas Seube, un retraité très occupé
Dans un monde parfois complexe à appréhender pour les familles, le SM Caen s’efforce aussi de les informer sur les subtilités des contrats, des rémunérations… Le formateur malherbiste reprend :
Nous avons un devoir d’explication sur le fonctionnement du football, notamment dans les aspects juridiques. Heureusement, il y a aussi des gens bien et compétents parmi les agents, qui travaillent dans l’intérêt du joueur.
« Ce sont encore des enfants ! »
Pour ajouter à l’épaisseur de la jungle du football, la législation encadrant cette activité a évolué depuis 2015. Si la fédération française de football (FFF) délivre une licence d’agent sportif, ce document n’est plus obligatoire à l’échelon européen. Un intermédiaire se réclamant d’un grand club étranger peut ainsi tout à fait faire miroiter un contrat au-delà des frontières à un jeune joueur français… « Il faut absolument légiférer pour réguler le système, estime Stéphane Nado. Il y a trop de dérives, il va falloir que ça s’arrête. Nous avons le devoir de préserver les jeunes, car ce sont encore des enfants ! »
Des enfants qui sont devenus le centre d’énormes enjeux financiers pour les clubs. Un jeune sorti du centre de formation représente aussi un futur transfert, pouvant se monter à plusieurs millions d’euros. Difficile, au moment de la signature d’un contrat, de faire fi de son entourage, quand bien même il n’aurait pas la licence de la FFF… Stéphane Nado souligne :
La priorité du Stade Malherbe, dans son projet de club, c’est de conserver ses meilleurs joueurs et d’en faire passer un maximum en équipe première. Mais le foot est un univers ultra-concurrentiel, au niveau franco-français, mais aussi européen. Et aujourd’hui, tout le monde veut les meilleurs joueurs, et de plus en plus en jeunes. C’est de la spéculation.
Ou comment le foot-business s’invite parfois chez les U11…

Stéphane Nado est le le directeur du centre de formation du Stade Malherbe Caen,. (©Nicolas Claich/Liberté – Le bonhomme libre)