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Près de Rugles. Six ans de prison pour avoir réduit deux personnes en esclavage

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Le tribunal n'a pas suivi

Le tribunal n’a pas suivi les réquisitions du ministère public (©Archives Publihebdos)

Tout commence par l’évasion de Catherine V., le 5 juin 2016. La veille, de corvée de bois, elle a pu s’enfuir des Bottereaux (27) grâce à un véhicule qui l’a emmenée à Juignettes, chez une ex-collègue. Elle est très amaigrie, porte des bleus et des ecchymoses un peu partout, elle a même deux côtes cassées.

Par crainte des représailles, elle ne veut rien dire aux gendarmes de Verneuil-sur-Avre. Dans un premier temps elle est hospitalisée pour dix jours, puis, pour un cumul de 471 jours d’incapacité. Comme le couple qui l’hébergeait s’inquiète, Alain C. (61 ans à l’époque des faits) la recherche dans tous les établissements hospitaliers des environs. Il est même accompagné de Ludovic B. (41 ans), l’autre « pensionnaire », tout aussi vulnérable et réduit à cet esclavage.

Un lourd passé à dissimuler

L’enquête permet de découvrir la situation et la curieuse histoire de ces prisonniers du couple.

On retrouvera traces, depuis 2012 pour Catherine, d’un montant mensuel de 2 500 €, directement versé sur le compte d’Alain C., tout comme d’autres fonds prélevés sur le livret d’épargne.

Pour Ludovic, le couple n’a pu lui prendre que 500 € mensuels d’aides. Mais il est devenu, depuis 2015, leur « esclave à tout faire » après l’avoir aidé à déménager de l’Orne (Mesnil-Bérard et St-Symphorien-des-Bruyères). Comme l’enfant du couple, âgé de 5 ans, ne doit pas voir les plaies infligées ou entendre la souffrance, les deux victimes sont logées en mansarde (7 m2) avec un lit commun et très peu d’hygiène possible. Sous clef, parfois plusieurs jours sans manger, les deux victimes ne peuvent qu’obéir.

Des écarts d’obéissance

Les gendarmes avaient trouvé Ludovic enfermé dans sa chambre car, selon les prévenus, il avait fait quelques « bêtises ». Il n’était chez le couple que depuis 13 mois et avait déjà, pour quelques écarts d’obéissance, du être hospitalisé pour reprendre un poids normal.

La présidente Marie-Christine Devidal a résumé l’énorme dossier et s’interroge sur la « manière d’en arriver là » du couple prévenu. Selon la famille du prévenu, on avait remarqué des « comportements anormaux » et des abus d’alcool chez le couple installé aux Bottereaux. Mais, jamais le traitement réservé aux hôtes n’était apparu aux témoins-amis.

On savait juste que Sonia, dépourvue de permis de conduire pour alcoolémie, utilisait Catherine pour se faire véhiculer ou amener l’enfant du couple à l’école. Quant à Ludovic, on le disait « maigre mais heureux », toute aide sociale tombant dans l’escarcelle de ses maîtres.

Huit ans requis contre « le dominant »

Le réquisitoire de Angélique Giscos au sujet des prévenus est sans équivoque.

« C’est un couple infernal aux victimes martyrisées pour plus de 400 jours d’incapacité ».

L’extorsion, les violences, la courte séquestration (moins de sept jours) sont avérés ainsi que des menaces avec arme pour le couple qui encoure vingt ans de prison, pour chacun d’eux.

Elle souligne « le profil inquiétant de Alain C. qui récidive sans hésitation ». Contre celui qu’elle nomme « le dominant », elle requiert huit ans et le maintien en détention. Le substitut tient compte de la différence d’antécédents pour la compagne qu’elle dit « violente et ayant bénéficié de tout ». Le risque de récidive semble écarté, selon le Parquet, qui demande une peine mixte de cinq ans dont trois de sursis probatoire.

Me Sabrina Tahraoui plaide pour « une femme fragile et traumatisée » qui avait abandonné un conjoint violent pour subir la mauvaise influence de l’autre. L’avocat rappelle que la situation familiale (la mère, l’épouse, les enfants de lits différents) a pu provoquer des tensions familiales.

« Mais, de quoi a-t-elle vraiment profité ? »

La défense réfute une réelle complicité pour privilégier le « contexte alcoolique ».

La peine prononcée sera de quatre ans dont la moitié avec sursis probatoire (2 ans) obligeant à travailler, se soigner (psychologiquement).

Responsabilité partagée

L’avocat de Alain C. trouve que l’on charge trop son client et que l’on use de contrevérités pour empêcher sa remise en liberté.

Me Frédéric Landon ergote sur le terme de « séquestration ».

« Les victimes étaient libres de vaquer, travailler, se rendre en ville »

 Elles pouvaient donc s’évader du « total enfermement » prétendu.

Certes, les antécédents sont lourds mais ce sont des écarts très anciens. L’avocat demande une relaxe partielle quant à l’extorsion de fonds estimée à 26 280 € (pour Sonia S.-M.). Tout cela ne vaut pas huit ans, car les moments d’alcoolisation ont été partagés, dit-il avant d’ajouter que dans ce « réquisitoire déséquilibré » on n’a pas tenu compte de l’âge et des problèmes récurrents de santé de Alain C.

La peine de prison sera de six ans avec maintient en détention. Pour les dédommagements, l’audience est fixée au 21 mai 2019. Ils seront partagés par la responsabilité de Alain C. (60 %) et Sonia S-M. (40 %).


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