
Pour Pascal, Annick et François, pas facile de vivre dans un quartier devenu fantôme. (©L’Eclaireur-La Dépêche)
C’était jour de neige à Gournay-en-Bray lorsque nous sommes allés à la rencontre des derniers résidents des immeubles inscrits dans un programme de démolition-reconstruction par le bailleur Seminor.
Le quartier Croquet du Bosc est bien triste aujourd’hui. Volets fermés, portes condamnées pour un bon nombre de halls d’entrée, la vie s’est presque arrêtée.
Pas tout à fait cependant puisqu’ils sont encore quelques-uns à être encore dans les lieux, comme François qui habite l’immeuble Roussillon depuis 25 ans.
Heureusement que je suis régulièrement en vadrouille car sinon, c’est aujourd’hui un quartier désert. Il n’y a plus de vie dans le quartier, à part la présence régulière d’ouvriers avec qui je parle un peu.
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« Vivre dans un quartier fantôme »
Annick et Pascal sont dans le même cas. Pour eux qui résident ici depuis 21 ans, le constat est amer :
Ça fait bizarre. Alors certes, il y a moins de bruit et moins de voitures, mais on a l’impression de vivre dans un quartier fantôme.
Annick évoque d’ailleurs une autre problématique :
Aujourd’hui, il n’y a plus personne. On serait malade, on n’a plus de voisin pour nous venir en aide. Toute cette situation me tracasse beaucoup et agit sur mon moral.
Pour ces derniers locataires, le quartier aujourd’hui vidé de la quasi-totalité de ses habitants, est bien loin de ce qu’ils ont connu jadis. François résume :
Avant, il y avait de la vie dans l’immeuble et aux alentours. On s’entendait globalement bien entre voisins, on essayait de se rendre service. Alors forcément aujourd’hui, c’est triste.
Et Annick d’ajouter :
Parfois dans Gournay, on rencontre d’anciens voisins. Ça fait bizarre quand même.
« On nous met la pression pour partir »
Pour Annick, Pascal, François et les quelques autres locataires qui vivent encore sur place, une page va bientôt se tourner. Mais pas question pour eux de participer à l’action collective à la mémoire de ce quartier lancée en septembre dernier.
Pascal fulmine :
Au début, ça allait bien mais ça se passe tellement mal depuis plusieurs années qu’on n’a pas le cœur à participer à ce genre d’initiative. Et je peux vous dire que je ne regretterai pas le quartier. On nous met la pression pour partir mais nous avons revu d’anciens voisins qui regrettent d’avoir déménagé trop rapidement. Certains sont déçus de ce qu’on leur a proposé mais ils pensaient qu’ils n’avaient pas le choix. Eh bien nous, nous resterons jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose de correct et ça prendra le temps que ça prendra même si nous savons qu’il faut partir.
« C’est très difficile à vivre »
François est dans la même situation :
On nous a dit que normalement, tout devait être vide pour fin février, début mars. Mais de la part de Seminor, je n’ai reçu aucune proposition de relogement. Je fais peut-être partie des oubliés.
Ce qui est sûr, c’est que le programme de démolition et reconstruction devrait prendre effet dans les plus brefs délais.
Pour cela, tous les logements devront bien sûr être vacants. Pour autant, les derniers irréductibles estiment devoir être respectés jusqu’à leur départ, comme le martèle Pascal :
Seminor pense qu’on est à leur disposition. Mais à ce que je sache, on est en période de trêve hivernale et on paye notre loyer. Le bailleur s’en lave les mains et n’a même pas pris en compte l’aspect psychologique d’un tel changement pour tous ceux qui ont dû changer de logement. C’est très difficile à vivre, mais je suis désolé, on ne peut pas mettre les gens dehors comme ça.
Les caves servent de déchetterie
Après le départ de la plupart des locataires, les quelques-uns qui demeurent encore sur place ont eu la triste surprise de s’apercevoir que l’entrée des caves de l’immeuble Roussillon avait servi de déchetterie. Chariot, pneu, armoire, table à repasser, panier à linge… et même un WC trônent désormais à l’entrée de la cave. « Quand nous devrons partir, ça ne sera pas facile d’accéder à notre cave. On peut à peine passer » déplore un des locataires. Effectivement, tout ce tas de déchets n’est pas beau à voir et accapare une grande place à l’entrée des caves.

Un amoncellement de déchets envahit l’entrée des caves. (©L’Eclaireur-La Dépêche)