
Le projet de 3e ligne de métro a été au centre des attentions du rapport rendu par la chambre régionale des compte d’Occitanie qui épingle la gestion de Tisséo (©Illustration/ Tisséo)
La Chambre régionale des comptes d’Occitanie a contrôlé, sur la période 2012-2016, c’est-à-dire pendant les mandats de maire de Pierre Cohen et de Jean-Luc Moudenc, la gestion de Tisséo, le syndicat mixte de transports en commun de l’agglomération de Toulouse, devenu Tisséo Collectivités en juillet 2017. En est ressorti un rapport, rendu public mercredi 6 février, mais qui a fuité dans la presse quelques jours avant sa parution.
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Un rapport qui a épinglé la gestion des transports en commun à Toulouse. Le travail de cette juridiction administrative financière a été présenté aux élus de Tisséo, alors, mercredi 6 février 2019, Jean-Michel Lattes, le président de Tisséo et Sacha Briand, son vice-président aux finances, ont répondu point par point aux observations levées par la chambre.
Sur la gestion du syndicat Tisséo
Ce qu’a dit la Chambre : « Le contrôle de la chambre a détecté un certain nombre d’anomalies ou d’irrégularités dans la gestion du syndicat : il assure indûment la trésorerie de Toulouse Métropole qui lui verse sa contribution avec un retard supérieur à un an, verse des primes à ses personnels sur des fondements incertains, bénéficie d’agents mis à disposition par Tisséo Voyageurs dans des conditions contraires à la réglementation et neutralise l’amortissement d’une partie de ses investissements, ce qui lui permet de financer cette charge de fonctionnement par de l’emprunt ».
Selon ce rapport, Tisséo serait obligé de financer par l’emprunt des dépenses de fonctionnement pour pallier le fait que Toulouse Métropole paye sa contribution d’environ 100 millions d’euros avec un an de retard. En d’autres termes, ce mécanisme permet à Tisséo de contribuer à financer directement la trésorerie de Toulouse Métropole, ce qui l’oblige à emprunter en lieu et place de Toulouse Métropole.
Ce que demande la chambre : « Rétablir la sincérité des comptes ».
Ce que lui répond Tisséo : « Aucun frais financier pour Tisséo en raison de ce décalage ». « Tisséo répond qu’elle va « engager un travail de clarification tant opérationnel que comptable, pour répondre à la demande de la chambre ». Tisséo « considère ainsi que la recommandation de la chambre es en cours de mise en œuvre ».
Mercredi 6 février, Sacha Briand est allé plus loin dans l’analyse :
La chambre n’a pas compris la cohérence de cette gestion et elle n’en a pas les compétences pour la comprendre. Il y a bien un décalage dans le versement de cette contribution, mais celui-ci se fait en pilotage avec le SMTC et à la demande du SMTC. Quand le SMTC a besoin de trésorerie, Toulouse Métropole verse sa contribution, s’il n’en a pas besoin, Toulouse Métropole ne le verse pas.
Et l’élu de poursuivre : « C’est un fonctionnement que j’assume, que j’ai assumé devant la chambre et qui continuera. Il résulte du fait qu’actuellement, Tisséo débute l’année avec une avance de trésorerie de 150 millions d’euros. Une avance due au fait qu’au départ de la mandature, au moment de la modification de l’ancien Plan de déplacements urbains, il y a eu une phase de tassement des investissements et que dans cette phase, Toulouse Métropole n’a pas réduit sa contribution volontaire (l’une des deux contributions que Toulouse Métropole vers à Tisséo avec la contribution obligatoire, ndlr). La stagnation de la contribution à un niveau élevé a fait que le fonds de roulement de Tisséo est aujourd’hui élevé en début d’année. Ce que nous pouvons assurer, c’est que ce décalage dans le versement de la contribution de Toulouse Métropole n’a engendré aucun frais financier pour Tisséo ».
Sur des sommes qui auraient été indûment perçues par Tisséo
Ce que dit la chambre : « Tisséo a perçu le versement transport auprès d’entreprises implantées sur des territoires pour lesquels il avait perdu la compétence transports urbains ».
En 2017, la chambre a constaté que le syndicat a prélevé à nouveau le versement transport sur des communes qui, en droit, ne relevaient pas de son ressort territorial. Le montant s’élève à 8,2 millions d’euros. Ces entreprises sont aujourd’hui en droit de récupérer les sommes indûment perçues par Tisséo.
Ce que lui répond Tisséo : Tisséo « insiste sur le service rendu aux usagers pendant la période considérée, en contrepartie de la perception du versement transport ».
Par ailleurs, le juge a effectivement tranché la question de la perception du versement transport sur le territoire de la Communauté d’Agglomération du Muretain. Dans cette affaire, Tisséo Collectivités a immédiatement pris acte de ce jugement et respecté ses obligations. Ce sujet est désormais clos.
Sur le financement de la 3e ligne de métro
Ce que dit la chambre : elle estime que ce projet ambitieux est entouré « d’incertitudes fortes ».
Ce que lui répond Tisséo : « La chambre a raison de dire que le plan de financement doit être consolidé. Mais face aux points d’interrogations, nous avons des réponses de sécurisation solide », a assuré Sacha Briand mercredi matin. D’après Tisséo, une consolidation de la ‘soutenabilité’ financière de du projet sera présentée dans le cadre de l’enquête publique dont le dossier sera remis au préfet le jeudi 7 février.
Sur le calendrier de la 3e ligne de métro
Ce que dit la chambre : « En dépit des étapes franchies durant ces trois dernières années, les retards accumulés sur les phases amont (études préliminaires, choix des modalités de réalisation et de la maîtrise d’œuvre) compromettent la réalisation de la troisième ligne de métro dans le calendrier initialement prévu. La mise en service de la troisième ligne de métro, envisagée pour 2025, ne se ferait au mieux qu’en 2027 ».
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Ce que lui répond Tisséo : Mercredi matin, Jean-Michel Lattes, le président de Tisséo, a tenté de donner une réponse face aux doutes manifestés par la chambre régionale des comptes quant à la faisabilité de la ligne dans le calendrier imparti, soit désormais avant la fin de l’année 2025. Il a assuré :
« En 2015, nous avons énoncé un projet de ligne de métro et jusqu’ici, l’on s’y tient. Nous avons perdu un an dans le cadre d’un appel d’offres que nous avons rendu infructueux. Dans ce cas, nous avons choisi de perdre un an. Pour le reste, je suis toujours étonné que ceux (la chambre régionale des comptes, ndlr) qui critiquent ou émettent des doutes sur le calendrier n’apportent pas d’éléments tangibles. Sur quelle compétence la chambre régionale des comptes se base pour faire ce genre de remarque ? Eux sont des juristes quand nous pouvons, de notre côté, nous reposer sur l’expertise des ingénieurs ».
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Sur la hausse de la masse salariale et le traitement de l’ex-DG de Tisséo
Ce que dit la chambre : « La nouvelle organisation a eu pour effet d’augmenter sensiblement les effectifs, et plus substantiellement encore, la masse salariale », notent les magistrats.
Et le rapport de pointer du doigt un cas particulier :
« Le traitement réservé à l’ancien directeur général a été plus que complaisant. Recruté en décembre 2013, Jean-Marie Evin a vu sa rémunération augmenter de 18% en trois ans d’exercice, avec un salaire brut annuel de 178 837 euros en 2016, soit plus de 14 902 euros par mois« . En plus de sa voiture de fonction, le directeur bénéficiait également d’un logement, dont l’attribution est jugée « irrégulière » par les juges.
Ce que dit Tisséo : Tisséo indique dans sa réponse à la chambre régionale des comptes que « la mise en place de la nouvelle organisation en 2014 en lien avec une feuille de route, dont la Chambre reconnaît elle-même l’ambition, a conduit à une évolution maîtrisée des effectifs et en conséquence de la masse salariale ».
Mercredi matin, Tisséo a produit un chiffre : en 2018, la charge des salaires dans le fonctionnement du SMTC représenterait 0,82% du budget de fonctionnement de Tisséo Collectivités. Contre 1,42% en 2013.
Concernant le salaire de l’ancien DGS, Tisséo communique sur le salaire net de Jean-Marie Evin, soit 7 300 euros mensuels. « Tisséo n’est pas une structure où l’on peut verser les salaires que nous voulons. Nous sommes soumis à un contrôle de légalité », a rappelé Jean-Michel Lattes.
La différence entre les 7 300 euros évoqué chez Tisséo et les 14 902 euros évoqués par la chambre comprendrait les charges payées sur le salaire, mais aussi la contribution logement dont bénéficiait l’ancien DGS de Tisséo, ainsi que l’estimation de l’usage d’un véhicule qui lui était prêté dans le cadre de son activité.