Le torchon brûle entre les grévistes et la direction. Depuis lundi, l’union intersyndicale (CGT, CFDT, FO et UST) de N4 Mobilités, réseau de bus le long de la route nationale 4 entre Rozay-en-Brie et Pontault-Combault, est en grève reconductible de manière illimitée.
Le mouvement a commencé avec 65 conducteurs grévistes sur les 135 que compte la société. Lundi, la direction a réussi à garantir son plan de transport adapté (PTA), l’équivalent d’un service minimum, avec environ 50% bus qui roulaient. Mais le ton est monté le lendemain matin. Là, les grévistes qui étaient 41, ont décidé de bloquer partiellement les dépôts de N4 Mobilités à Roissy-en-Brie (le siège), Gretz-Armainvilliers et Rozay-en-Brie, empêchant ainsi une partie de leurs collègues non-grévistes de reprendre leur travail. Pour cela, ils ont placé des jantes et des pneus à la sortie des dépôts
Aujourd’hui, ils n’étaient plus que 31 à être toujours en grève, mais le blocage était renforcé. Ce matin, seuls quelques bus ont réussi à « s’échapper du dépôt de Rozay », pour reprendre les mots du directeur, Hervé Borowiack. Mais cet après-midi, le réseau était complètement paralysé. Conséquences : tous les bus sont restés au garage. Les huit lignes de Sit’Bus, mais aussi celles de Stigo (6), Sol’R (9), Yerres Brie Centrale (2), Arlequin (3) et les 19 lignes spéciales pour les scolaires n’étaient donc pas desservies. Les seuls bus qui ont pu rouler sont ceux des sous-traitants de N4 Mobilités.
C’est un ras-le-bol général ! Je travaille ici depuis dix ans et rien ne bouge
« On est une poignée d’irréductibles et on ne compte pas baisser les bras, prévient Dominique Doineau, représentant syndical pour la CGT. On dénonce aussi bien les conditions de travail et de sécurité que les salaires qui n’augmentent pas, malgré une charge de travail accrue ». A ses côtés, Nouria Khouani, s’indigne : « C’est un ras-le-bol général ! Je travaille ici depuis dix ans et rien ne bouge. On travaille de plus en plus alors que les salaires stagnent. L’amplitude d’une journée peut aller jusqu’à 14 heures, on travaille le matin et le soir, avec un gros trou au milieu. J’aime mon métier, mais je vis à Torcy et chaque mois j’en ai pour 300 euros d’essence à faire deux allers retours par jour. Alors que notre prime de transport n’est que de 41,16 euros. »
Quant au directeur de l’entreprise, il dénonce les raisons et le contexte de cette grève : « Ils parlent de condition de travail, mais ce ne sont que des revendications salariales ! Ils s’appuient sur un projet de réorganisation du travail qu’on avait pour établir un roulement d’horaires entre les conducteurs. Mais vu que ça ne plaisait pas à une partie des employés, nous l’avons abandonné. »
Le salaire moyen des conducteurs est entre 1 800 et 2 100 euros par mois.
Là où la pilule a du mal à passer pour Hervé Borowiack, c’est au sujet des méthodes utilisées par les grévistes. « Ils ont arrosé les véhicules qui voulaient sortir avec de l’huile de moteur puis ont lancé de la farine et des œufs dessus. Il y a eu un constat d’huissier. Ils empêchent les conducteurs non-grévistes de travailler et ne nous permettent pas d’assurer notre plan de transport adapté. En conséquence, l’entreprise se réserve toutes les actions disponibles pour faire respecter le droit. »
Pour lui, l’incompréhension est d’autant plus forte qu’il assure que « le salaire moyen des conducteurs est entre 1 800 et 2 100 euros par mois ». Et de poursuivre : « En réalité, ce qu’ils ont voulu faire c’est démarrer les NAO (négociations salariales annuelles, qui ont lieu tous les ans au début du mois de mars, NDLR) avant l’heure ». Réponse du syndicaliste : « C’est faux ! C’est une fausse rumeur qui circule sur les réseaux sociaux et une tentative de la direction pour décrédibiliser nos revendications. Ces NAO ne permettent que de revaloriser le taux horaire de quelques centimes d’euros. Ce n’est pas du tout ce qu’on attend. Nous, on réclame de vrais augmentations de nos primes ! »
Le mouvement social pourrait durer
Autre élément qui achève d’attiser les antagonismes, la tension monte entre les conducteurs. Dominique Doineau affirme avoir été renversé par un chauffeur qui a essayé de sortir du dépôt de Roissy mardi après-midi. « Avec un véhicule de 16 tonnes, résultat, un passage à l’hôpital de Jossigny et trois jours d’arrêt de travail », assure-t-il.
Une situation inévitable et qui se vérifie à chaque fois qu’une minorité bloque une majorité. Pourtant, le délégué CGT assure que « d’autres conducteurs se sont déclarés grévistes hier, et qu’ils ne pourront l’être vraiment qu’après le délai de 48 heures légal. »
Dans tous les cas, les plus motivés promettent de poursuivre le mouvement jusqu’à ce qu’ils aient gain de cause. « Ce qu’ils demandent est irrationnel et complètement impossible à mettre en place pour assurer l’équité entre tous les salariés », réagit le directeur. « S’il faut aller gueuler à Issy-les-Moulineaux, le siège de Transdev, on le fera », menace de son côté le syndicaliste.