
Alfred Nakache, l’un des grands champions de la natation française dans les années 30 et 40 (©DR)
Le Toulousain Alfred Nakache, l’un des plus illustres champion de l’histoire de la natation française, va officiellement faire son entrée dans le panthéon mondial de son sport. Presque 36 ans après sa mort, le champion va en effet être intronisé au Swimming Hall Of Fame de Fort Lauderdale en Floride (États-Unis) et ainsi rejoindre d’autres gloires de la natation mondiale.
Ce lieu situé de l’autre côté de l’Atlantique honore en effet depuis 1965 des personnalités ayant servi la promotion de la natation à travers le monde.
C’est le club des Dauphins du TOEC, à Toulouse, qui a annoncé la nouvelle sur les réseaux sociaux mardi 15 janvier 2018.
« C’était dans les tuyaux depuis un moment »
Yvette Benayoun-Nakache, la nièce du nageur, réagit :
C’était dans les tuyaux depuis un moment. C’est une reconnaissance de plus pour mon oncle qui a été un grand champion et qui a aussi eu une vie hors du commun. Actuellement, il y a un engouement autour de ce parcours sportif et de vie.
L’on retient d’Alfred Nakache qu’il a été LE champion de la natation française dans les années 30 et 40. Celui qu’on prénommait « Artem » (le « poisson »), s’adjugea alors de nombreuses épreuves françaises et internationales devenant une figure incontournable du sport hexagonal.
Deux Olympiades à 12 ans d’écart
Sur le plan du palmarès, il devint champion de France en 1935 dans la discipline du 100 mètres nage libre. En 1936, il participe aux Jeux olympiques de Berlin, durant lesquels il termine 4e du 4×200 mètres, avec l’équipe de France. Il sera encore présent aux Jeux de Londres en 1948.
Entre temps, sa carrière est stoppée par la Seconde Guerre Mondiale.
En 2015, notre confrère Mathieu Arnal évoquait ce destin hors du commun dans nos colonnes :
En raison de ses origines juives, Nakache est déchu de sa nationalité et se voit privé d’exercer son métier de professeur d’éducation physique. Il quitte la capitale et trouve refuge à Toulouse en janvier 1941. Il intègre les Dauphins du TOEC, l’un des clubs les plus prestigieux de province, entraîné par le charismatique et autoritaire Alban Minville. Il renoue avec son statut de champion d’avant-guerre, en établissant le record du monde du 200 m brasse papillon en 2’36, lors des championnats de France universitaires de la zone non occupée, à Marseille, le 6 juillet de cette année.
Et de préciser d’autres engagements de l’athlète :
Parallèlement, il a des liens avec les réseaux de résistance juive et met à disposition de l’Armée juive sa salle de sport. Ces troupes aideront les maquisards du Tarn et participeront à la libération de Mazamet et de Toulouse. Mais l’étau se resserre. Le journal Les Cahiers jaunes, acquis aux idées nazies, distille l’idée que le nageur juif souille l’eau des piscines… Le commissariat aux sports interdit aux juifs de participer en août aux championnats de France.
Déporté à Auschwitz puis Buchenwald
Il poursuivait :
Arrêté avec sa femme et sa fille en décembre 1943, il est déporté à Auschwitz en 1944. Sa consistance physique lui permet de résister aux mauvais traitements et son panache l’amène à défier les interdits de ses gardes. Plusieurs fois, il improvise des séances de baignade à leur insu, dans un bassin d’eau de rétention. Ce même bassin où, pour l’humilier, ses mêmes bourreaux s’amusaient à lancer un poignard qu’Alfred Nakache devait aller récupérer avec ses dents… Devant l’avancée de l’armée rouge, le camp est évacué et Nakache participe à la marche de la mort, qui a déplacé les internés vers d’autres camps. Il se retrouve à Buchenwald où il est libéré en avril 1944. Il revient seul des camps.
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On le croit mort
Plusieurs journaux de l’époque évoquent sa mort. Le 31 août 1944, L’Humanité titre : « Alfred Nakache, victime de la milice ».
Article paru dans le quotidien L’Humanité en date du 31 août 1944 :

L’Humanité en date du 31 août 1944 évoque la mort d’Alfred Nakache…qui reviendra finalement vivant des camps de concentration nazis (©DR)
Bien vivant, il reprend le chemin des bassins
Il est finalement bien vivant bien que moralement très atteint par le décès en captivité de sa femme et de sa fille. Il reprend alors le cours de son existence à Toulouse et retourne dans les bassins. C’est ce que rapporte le quotidien Ce Soir en date du 21 juin 1945 dans un article intitulé « À peine de retour, Nakache reprend rang de vedette » :
Article de presse sur Alfred Nakache, paru dans le quotidien Ce Soir du 21 juin 1945

Cet article de presse fait écho du retour d’Alfred Nakache dans les bassins, un mois à peine après être rentré des camps (©DR)
Ce n’est que bien plus tard, le 4 août 1983, qu’il trouve la mort, à l’âge de 67 ans, en traversant la baie de Cerbère (Pyrénées-Orientales) durant le kilomètre de nage qu’il accomplissait quotidiennement.
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