
Un drame personnel émouvant est présenté sur scène par Emmanuelle Hibon dans « Le fils ». (©Thierry Laporte)
C’est un dernier cadeau laissé par Didier Thibaut qui quitte la direction de La Rose des vents en cette fin du mois de janvier : la pièce de théâtre Le Fils est jouée en ce moment et jusqu’au vendredi 18 janvier 2019 à Villeneuve d’Ascq (Nord). Une création théâtrale découverte au théâtre de la Manufacture pendant le festival d’Avignon 2017, alors qu’il produisait dans le même lieu une pièce d’Antoine Lemaire mise en scène par Sophie Rousseau. Est-ce que vous pouvez laisser la porte ouverte en sortant ?
C’est son histoire à Elle. On ne connaîtra pas son prénom et au fond, il nous importe peu. Pharmacienne de province, plutôt contente de son parcours, de sa réussite dans les études, puis dans le développement de son officine, épanouie dans sa vie conjugale, mère de deux fils qui font sa fierté, va-t-elle finir par connaître l’ennui ? Sans qu’elle le devine, il lui manque un nouvel horizon, des nouveaux défis. Elle les trouve dans une mobilisation contre une pièce de théâtre de Castellucci, jugée blasphématoire, qui prélude les batailles contre la loi sur le mariage pour tous, et lui permet de fréquenter les couches supérieures de sa province jusqu’alors interdites d’accès.
La dérive intégriste, l’engagement militant avec ses périodes d’enthousiasme, ses réussites ses déceptions mais aussi ses naïvetés servent de toile de fond à un drame plus personnel. Son impossibilité à comprendre qu’un de ses fils est homosexuel et tente de lui faire admettre. Le fossé entre les deux mondes est si grand qu’elle ne peut le combler.
J’ai engendré un fil anormal, une erreur de la nature.
Elle le laisse s’éloigner jusqu’à son suicide, dans la pharmacie familiale où il puise des doses mortelles de médicaments dans les rayons.
S’agit-il du drame d’une mère et de son fils « vous le savez ce que c’est d’être mère », questionne-t-elle le public ? S’agit-il de la montée en puissance d’un mouvement d’opinion décrit sans jugement ? Ou celle d’une dérive intégriste conjuguée à une ascension sociale ?
Seule sur scène ou presque (à l’exception de quelques intermèdes musicaux joués par un jeune claveciniste), la comédienne Emmanuelle Hibon tient l’assistance en haleine pendant 70 minutes. Par la seule puissance des mots en l’absence presque totale de décor et d’effets de scène. Émouvant.
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Jean-Michel Stievenard
Infos pratiques :
Le Fils, un texte de Marine Bachelot-Nguyen, mis en scène par David Gauchard, sur la scène de la Rose des vents, rue Van Gogh à Villeneuve d’Ascq jusqu’au 18 janvier, jeudi et samedi à 19 h ; les autres jours à 20 h. Relâche dimanche et lundi. Tel 03 20 61 96 96.