Mgr Laurent Camiade : « J’invite toutes les personnes de bonne volonté à se faire artisans de paix ».
« Apprenons ensemble à nous écouter vraiment et à nous parle r » a appelé le 5 décembre, l’archevêque de Paris, Mgr Aupetit dans un texte intitulé « L’urgence de la fraternité » suite aux violences et aux mouvements sociaux que connaît notre pays.
« Nous devons apaiser, dialoguer, écouter » avait insisté quelques heures auparavant, Mgr Ribadeau-Dumas, secrétaire général de la Conférence des Évêques de France dans un entretien au journal La Croix.
C’est le même message du respect de l’Autre qu’envoie pour la fête de la Nativité, l’évêque de Cahors. Entretien avec Mgr Laurent Camiade.
Le 8 décembre a été béatifié Christian de Chergé, un Lotois d’adoption. Comment mettre à l’honneur les saints du diocèse, nouveaux ou peu connus ?
Mgr Laurent Camiade : Il suffit d’en parler et de les prier de temps en temps. Je suis allé, il y a peu de temps à Fajoles (près de Gourdon) et j’ai découvert le lieu de baptême du Bienheureux Antoine Auriel-Constant. Je suis sûr que beaucoup de Lotois ne le connaissent pas. De Christian de Chergé, on en a beaucoup entendu parler surtout avec le film « Des Hommes et des Dieux ». Le 8 décembre a eu lieu la béatification des 19 martyrs d’Algérie. C’est un événement important pour l’Église, pour la société et pour le monde. Événement auquel s’est associée toute l’Église mais aussi le premier concerné, le peuple algérien.
Ces martyrs ont été les témoins du Christ. Leur vie de foi dans une attitude de service des Musulmans, est quelque chose de très beau.
Pour bien faire connaître les saints du diocèse, c’est intéressant d’avoir des prières comme celle que nous avons lu le 8 décembre à Saint-Michel-de-Bannières et partout dans le diocèse : « Par l’intercession de ces Bienheureux, nous te prions, Père, pour que partout dans le monde, la grâce de la paix l’emporte sur les forces de la haine et pour que ton Église témoigne courageusement de l’Évangile dans la simplicité et l’amitié fraternelle ».
Vous avez écrit en octobre dernier dans la revue « Église du Lot » : « Je souhaite une église diocésaine qui n’a pas peur de s’ouvrir au monde ». C’est-à-dire ?
Mgr Laurent Camiade : Ce que je voulais dire, c’est que les chrétiens n’ont pas à se replier sur eux-mêmes.
Vivant au milieu du monde, ils ont parfois peur d’être de mauvais témoins du Christ. Malgré nos faiblesses, je pense qu’il faut que nous ayons l’audace du témoignage, de ne pas mettre des parois étanches entre ce que l’on vit dans notre paroisse et ce que l’on vit dans le monde. Il faut arriver à unifier nos vies, à être des témoins authentiques. Il ne suffit pas d’annoncer l’Évangile « à temps et à contre-temps » comme dit saint Paul. Il ne s’agit pas d’agacer les gens en répétant sans cesse « Jésus est le Sauveur ». Il s’agit, par le dialogue avec les gens que nous rencontrons, de ne pas avoir peur de nous situer en chrétiens et de manifester ainsi, notre ouverture au monde.
En nous impliquant davantage au quotidien ?
Mgr Laurent Camiade : Oui, en étant le plus vrai possible. Si je suis témoin du Christ, je dois le vivre et suivre l’Évangile.
C’est très exigeant de témoigner des réalités du Christ dans le monde. C’est bien de prétendre croire dans la générosité, le pardon, l’accueil des pauvres mais concrètement, « qu’est ce que je fais dans ces domaines ? » doit-on s’interroger. Être chrétien, c’est une conversion de chaque jour qui nous demande de reconnaître nos faiblesses. Être chrétien, c’est être ouvert au monde même si parfois le monde ne nous fait pas de cadeau.
Quels projets diocésains vont-ils être mis en œuvre en 2019 ?
Mgr Laurent Camiade : Je les ai rappelés dans la lettre pastorale publiée l’été dernier : les visites pastorales que je vais poursuivre durant toute l’année, passant une semaine entière dans chaque secteur paroissial ; la mise en œuvre de la charte de toutes les paroisses du diocèse ; la suite de la formation des membres des Équipes d’Animation Pastorale et des laïques ; l’approfondissement de la Lettre de saint Paul aux Éphésiens ; l’arrivée de femmes dans la gouvernance du diocèse.
Sous quelle forme la gouvernance du diocèse va-t-elle se féminiser ?
Mgr Laurent Camiade : Je vais élargir le Conseil Épiscopal où se prennent les décisions importantes de la vie du diocèse. Nous sommes actuellement cinq, quatre prêtres membres et l’évêque. J’ai sollicité un diacre et deux femmes laïques. C’est la ligne que le pape François nous invite à suivre : A associer davantage le charisme féminin aux décisions du gouvernement de l’Église. Je pense que nous avons besoin de cet éclairage du charisme féminin pour prendre de bonnes décisions.
À Noël, le Christ s’est fait homme. Qu’est-ce qui naît un peu plus en nous, chaque année, dans le mystère de l’incarnation ?
Mgr Laurent Camiade : C’est une belle formule que vous avez choisie. Il y a quelque chose qui naît chaque année, à Noël un peu plus en nous. J’ai envie de répondre que notre humanité est appelée à devenir chaque année, un peu plus humaine par la grâce de Dieu. À Noël, Dieu s’est fait homme. Plus on ouvre notre cœur à la grâce de Dieu, plus on contemple la venue de Dieu dans notre vie, à travers l’Incarnation. Notre humanité devient plus humaine par sa présence à nos côtés. C’est ce que nous pouvons nous souhaiter ces jours prochains, les uns les autres.
Dans un contexte de souffrances et parfois de violences, autant sur les territoires que sur la personne, comment vivre le message chrétien de Noël 2018 ?
Mgr Laurent Camiade : C’est un vœu particulier que j’adresse cette année aux Lotois en cette période de Noël : Soyons, nous les chrétiens, des artisans de paix. Le Christ se présente comme le prince de la paix, celui qui vient nous sauver. Mais cette paix est toujours à construire. C’est un travail d’artisan. L’une des clés ? et c’est là dessus que j’ai envie de mettre l’accent pour ce Noël car ce point peut toucher tout le monde et concerner tout le monde – c’est d’apprendre davantage à écouter les personnes et d’aller au bout de l’écoute.
Si nous faisons cet exercice d’être attentif à l’autre, à l’écouter, à le laisser s’exprimer jusqu’au bout (car souvent nous allons trop vite à interpréter ou sur-interpréter un mot, un bout de phrase), nous serons artisans de paix. L’écoute est le point de départ du respect de la personne humaine.
C’est le message que vous adressez aux Lotois, croyants et non-croyants ?
Mgr Laurent Camiade : J’invite toutes les personnes de bonne volonté à se faire elles aussi, artisans de paix. Il faut aller jusqu’au bout de l’écoute. Apprenons à davantage nous écouter.
ANDRÉ DÉCUP