
À chaque sortie de chasse à courre, les militants d’AVA (ici à droite) font pression sur les équipages en les suivant et en filmant tous leurs faits et gestes, pour dénoncer une pratique qu’ils jugent « barbare ». (© Ava Bretagne)
La chasse… Une activité qui soulève les passions et entraîne des débats virulents. Autrefois essentielle à la survie de l’Homme, elle est désormais pratiquée essentiellement comme une activité de loisir, tout au moins en Occident. Ce qui ne veut pas dire que ses pratiquants ne s’en servent pas pour se nourrir.
Dans son dossier paru le 7 décembre 2018, L’Éclaireur de Châteaubriant (Loire-Atlantique) fait un point particulier sur la chasse à courre – ou vènerie -, la discipline la plus décriée. Pratiquée notamment en forêt du Gâvre, elle donne lieu régulièrement à des tensions importantes entre chasseurs et militants anti-vènerie.
Nous avons donné la parole à une militante du collectif AVA Bretagne, qui s’oppose régulièrement à cette pratique, et à un veneur, qui la défend corps et âme. On notera le paradoxe qui veut que ces ennemis déclarés s’affirment chacun, et avec beaucoup de sincérité, « amoureux de la nature »… Et que chaque camp ironise sur la définition que l’adversaire donne à cette expression…
Ce dossier est aussi l’occasion de faire un point sur la chasse dite « de régulation ».
AVA. Trois lettres qui forment le nom d’un collectif tout jeune, né en Picardie en 2017. Trois lettres qui signifient « Abolissons la vénerie aujourd’hui ». Sur le site d’AVA Picardie, on peut lire :
En mars 2017, AVA n’était encore qu’une bande d’amis déterminés, aux méthodes artisanales. Nous sommes aujourd’hui une organisation nationale regroupant plusieurs centaines de personnes. […] La tenue d’un premier congrès le 21 octobre 2018 a permis de mettre sur papier un bon nombre d’éléments qui constituent ce qu’on pourrait appeler une « identité AVA ». »
« On ne fait aucune action hors la loi »
Gwendoline Talbourdel, membre d’AVA Bretagne, décrit ainsi le collectif auquel elle appartient :
Il n’y a pas de leader, pas de décisionnaire. Il y a des gens de toutes professions et de tous âges, c’est ce qui fait la variété de notre mouvement. On intervient en forêt pour filmer les chasses à courre et montrer à la population ce que c’est : un mode de chasse totalement barbare et dépassé ! »
Les « AVA’s », comme ils se nomment entre eux, se veulent « absolument pacifiques. On ne fait pas d’action hors la loi, ce ne serait pas dans notre intérêt », assure la jeune femme, par ailleurs photographe professionnelle. Leurs actions visent à « mettre la pression sur les équipages, par la présence des caméras. Et à montrer aussi comment ils traitent les autres usagers de la forêt. On a d’ailleurs le soutien des riverains », insiste Gwendoline, précisant que certains n’hésitent pas à les rejoindre.

Des militants d’AVA Bretagne se préparent à intervenir sur une sortie de chasse à courre. (©AVA Bretagne)
« On se fait régulièrement bousculer »
Interrogée sur l’accident qui s’est produit le 9 octobre 2018 durant une chasse à courre, et qui avait vu la chute assez grave du piqueux (salarié de la société de vénerie, qui gère notamment les chiens) de l’équipage, elle commente :
Il n’y avait aucun militant autour de cette personne. Quand on a su qu’il était tombé, malgré tout, on s’est inquiété : on est des humains avant tout ! Une militante, qui est formée aux premiers secours, a proposé son aide, mais ils ont refusé de la laisser approcher. »
La photographe assure en revanche que les militants se font régulièrement « bousculer par les suiveurs des équipages ».
« La ruralité, je connais ! »
Quant au reproche souvent formulé à leur encontre d’être des militants issus des villes et de ne rien connaître au monde rural, elle ne l’accepte pas :
On n’est pas tous citadins, ce n’est pas vrai. Moi par exemple, j’habite en campagne en Loire-Atlantique et je suis originaire de la Mayenne ; donc la ruralité, je connais… Et je pense que c’est le cas des trois quarts des militants. On est bien en contact avec la nature. »
Un dialogue est-il possible entre AVA’s et veneurs ? Visiblement, cela dépend des individus. Si Gwendoline dit parler parfois avec certains membres des équipages, elle reconnaît que tous les militants ne sont pas comme elle.
Pas de pacte avec « l’ennemi »
Mais il n’est pas question d’accepter une invitation du camp adverse, comme celle que lui a faite récemment le veneur Romain Le Gouaster – suite à des accusations de maltraitance – de venir visiter un chenil de chiens de chasse afin de constater qu’ils sont bien traités :
À titre personnel, je serais curieuse en effet de voir un chenil. Mais au niveau du collectif, on n’a pas accepté l’invitation car on ne veut pas aller dans le camp adverse. Ce serait un peu comme si on pactisait avec l’ennemi… Et puis, on se base sur ce que l’on voit parfois en forêt, même si je ne veux pas blâmer tous les équipages. Il n’empêche qu’on voit certaines fois des chiens qui sont assez maigres et ne semblent pas en bon état. Donc je me pose des questions. »
« On est aussi très méfiant envers eux car ils n’hésitent pas à nous casser sur notre vie privée, à faire de grosses recherches sur les réseaux sociaux ; et ils n’hésitent pas à publier des choses privées sur Internet », poursuit la militante. Ironiquement, c’est un discours que l’on retrouve presque mot pour mot dans les accusations faites par le veneur Romain Le Gouaster à l’encontre de certains AVA’s !